Ma vérité
Je me réveille. La première chose que j’observe est que je suis par terre. Je ne sais pas comment j’ai fait pour me trouver ici. Suis-je tombée du lit ? Ou bien me suis-je évanouie ? J’essaie de me souvenir de quelque chose, de ce que je faisais avant de dormir…. Sans succès. Je me mets debout comme par instinct et je commence à marcher. La deuxième chose que j’observe est que je ne suis pas dans ma chambre. Super. Cet endroit m’est complètement étranger. La troisième chose que j’observe est que je suis dehors. Me suis-je fait voler puis assommer ? Mais je ne sens aucune douleur. Je regarde à gauche et à droite et je vois des murs. Suis-je dans un couloir ? Dans une maison sans toit ? N’ayant pas d’autre choix, je commence à marcher droit devant. Il faut bien aller quelque part, rester dans le même endroit ne m’amènera nulle part, n’est-ce pas ? Très vite je me trouve devant un autre mur, je tourne à droite et je continue ma route. Il n’y a que des couloirs dans cet endroit. On dirait que c’est un labyrinthe et non une maison. Punaise ! Comment ai-je fait pour arriver là ? Je marche lentement, plus parce que je suis effrayée que parce que je n’ai pas de chaussures. Je n’entends rien. Tout est mort ici. Il n’y a rien qui vive, rien qui bouge. Il n’y a ni vent ni lune. Il n’y a ni oiseaux ni serpents. Je tourne à droite puis à gauche. J’essaie de marquer les places mais il fait assez sombre. Je me perdrai très facilement. Oh, la farce !
Je me réveille. La première chose que j’observe est que je suis par terre. Je ne sais pas comment j’ai fait pour me trouver ici. Suis-je tombée du lit ? Ou bien me suis-je évanouie ? J’essaie de me souvenir de quelque chose, de ce que je faisais avant de dormir…. Sans succès. Je me mets debout comme par instinct et je commence à marcher. La deuxième chose que j’observe est que je ne suis pas dans ma chambre. Super. Cet endroit m’est complètement étranger. La troisième chose que j’observe est que je suis dehors. Me suis-je fait voler puis assommer ? Mais je ne sens aucune douleur. Je regarde à gauche et à droite et je vois des murs. Suis-je dans un couloir ? Dans une maison sans toit ? N’ayant pas d’autre choix, je commence à marcher droit devant. Il faut bien aller quelque part, rester dans le même endroit ne m’amènera nulle part, n’est-ce pas ? Très vite je me trouve devant un autre mur, je tourne à droite et je continue ma route. Il n’y a que des couloirs dans cet endroit. On dirait que c’est un labyrinthe et non une maison. Punaise ! Comment ai-je fait pour arriver là ? Je marche lentement, plus parce que je suis effrayée que parce que je n’ai pas de chaussures. Je n’entends rien. Tout est mort ici. Il n’y a rien qui vive, rien qui bouge. Il n’y a ni vent ni lune. Il n’y a ni oiseaux ni serpents. Je tourne à droite puis à gauche. J’essaie de marquer les places mais il fait assez sombre. Je me perdrai très facilement. Oh, la farce !
Pendant que je me promène au
clair de la lune inexistante, je trébuche sur quelque chose. Ma peluche ? Que
fait-elle là ? En la regardant plus près, je vois qu’elle est toute trouée. Je
continue ma route en la regardant. C’est drôle, à chaque fois que je touche un
trou je sens quelque chose. Comme la dernière fois que je me suis disputée avec
ma sœur. Ce n’était même pas à propos de quelque chose d’important. Je veux
dire, elle avait pris mon T-shirt bleu et alors ? C’est drôle quand je me
fâche, je trouve beaucoup de mots méchants à lancer. Et quand je veux exprimer
de la gratitude ou de l’amour, aucun mot ne me vient à l’esprit. Je n’ai même
pas pu lui dire combien je l’aimais. Elle est morte sans le savoir. Cette
peluche me rend triste. C’est comme si elle contenait tous mes regrets. Elle
peut bien être petite, mais elle a beaucoup de trous minuscules. Je regrette
bien des choses. Je la jette.
Je commence à faire du bruit.
Oui, c’est ma façon de combattre la peur et le stress. Je ne suis pas sûre que
ce soit une bonne idée. Peut-être, ça attirera quelqu’un qui n’est pas le
bienvenu. Je commence à chanter. Je n’ai pas une très belle voix mais je chante
quand même, ça me calme. Droite, gauche, gauche droite. Je suis mon chemin à
l’aveuglette. J’entends quelque chose. Ce n’était sûrement pas ma voix. Ma voix
peut être horrible mais elle n’est définitivement pas une voix d’homme. Je fais
moins de bruit maintenant, je ne pense pas que faire connaissance avec un homme
qui rigole comme le diable lui-même soit quelque chose que je veux vivre. Je
marche plus vite. La voix n’arrête pas de rigoler. Je marche encore plus vite.
Elle se rapproche. Je cours.
Courir pour échapper à un danger
est un bon moyen de survie, lâche peut-être mais cela fonctionne. Courir dans
des couloirs qui semblent interminables n’est pas vraiment la meilleure des
solutions. Mais le rire diabolique de mon poursuivant me fait automatiquement
aller de l’avant. Je cours jusqu’à ce que je sente quelqu’un tout près de moi.
Je tombe. Trois secondes passent et rien ne m’attrape par derrière. Je remarque
que je n’entends plus le rire. Ok… je me tourne doucement en m’attendant à
apercevoir une silhouette, mais il n’y a rien. Hors d’haleine, j’essaie de
reprendre mon calme en regardant le mur de droite. Pour la première fois, je
vois qu’il y des inscriptions sur les murs. Je me rapproche et je commence à
lire : « pourquoi me fais-tu ça ? Je pensais que tu m’aimais » « Fais quoi ? Je
ne fais rien. C’est toi qui interprètes les choses telles qu’elles ne le sont
pas ! ». Je fais un pas en arrière en pensant que je suis devenu folle. Je
n’arrive pas à lire quoi que ce soit d’autre. Toutes les lettres sont floues.
Mais je n’ai pas à lire davantage de toute façon. Cette conversation, je la
connais par cœur. Elle était la dernière dispute que j’ai eue avec mon ex. Il
m’accusait de flirter avec d’autres hommes. Il croyait que je le faisais pour
le rendre jaloux. J’ai tout fait pour le convaincre qu’il imaginait des choses
mais il était persuadé que je mentais. Ce qui est triste est qu’il avait
raison. Et que j’ai fait des choses horribles à lui qui m’aimait tant. Quand il
s’était rendu compte que je n’étais pas si innocente que je le lui ai fait
croire, il était sorti de la maison pour ne jamais y revenir et j’ai perdu le
seul être qui voulait me rendre heureuse. Mon insolence, mon orgueil, mon
égoïsme etc. m’ont ruinée. Je n’ai su sa valeur que quand qu’il est parti.
Quelque chose à une grande
vitesse passe derrière moi. Il est revenu ! Je recommence à fuir. Gauche
droite, droite gauche. Il apparaît devant moi. Je cours à droite. Il apparaît à
ma gauche je fuis droit devant. C’est comme s’il m’encerclait. Il est partout.
Je suis terrifiée. Je ne sais pas pourquoi mais je pense à ma mère. Ma mère qui
m’a protégée quand j’étais enfant, qui m’a soutenue quand j’étais adolescente
et qui m’a pardonnée quand je suis devenue adulte. Ma mère que j’ai épuisée
quand j’étais enfant, que j’ai négligée quand j’étais adolescente et que j’ai
blessée quand je suis devenue adulte. Je m’arrête devant un mur. Je regarde
partout mais il n’y a aucune issue. Prise au piège. Je me retourne et je vois
l’homme qui se dirige vers moi. Je peux maintenant distinguer sa silhouette,
elle devient une petite silhouette de femme avec un couteau dans la main. Elle
a un masque au visage. Elle l’enlève. Ce que je vois c’est moi. Elle me
poignarde.
Je me réveille. Cette fois je
suis dans mon lit. Effrayée, essoufflée, déprimée. J’allume ma veilleuse pour
m’assurer qu’Elle n’est pas là. Je ne la vois nulle part dans la chambre mais
pourtant Elle est ici, avec moi. Elle est en moi. Elle est moi. Elle est celle
que je montre aux autres. Elle est celle qui joue un différend rôle chaque
jour. Elle est celle qui porte un masque au visage sans même considérer être
elle-même. C’est un cauchemar que je n’oublierai jamais parce que c’est plus ma
vérité qu’un simple rêve. Cela m’a montré qui je suis, ce que j’ai fait et
comment j’en suis arrivée là : sans rien, sans personne…
CARNET D'ADRESSES DE L'AUTEUR
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Pauline, ma femme, mon amour
Pauline, ce soir j'aurai une lettre de mon
amour, de ma femme. Et toi aussi, tu recevras une lettre. De nouveau, les PTT
vont nous réunir. Oh, ce mois d'avril va rapidement s'enfuir, ce mois d'avril
qui nous a rapprochés pendant deux semaines et qui nous a permis à tout jamais
de " faire ce qui nous plaira ". Pauline, tu as recommencé à faire la
cuisine dans notre chez nous que je connais bien maintenant. Ce matin, j'ai
envoyé à Versailles notre bulletin de mariage. L'as-tu fait de ton côté ? Sinon
envoie le et sans tarder ; on ne sait jamais, à un jour près, une belle
occasion peut nous passer devant le nez ...
Est-ce que Simone a recopié les renseignements
qu'elle voulait sur l'osier quand elle était ici ? Sans doute que non mais
peut-être n'en a-t-elle plus besoin maintenant que ... Millet s'occupe si bien
d'elle ! Au fait, est-il venu à Vrizy dimanche ce Millet ? Simone a dû être
toute contente !
Comme prévu les garçons de troisième qui avaient
une belle voix il n'y a pas si longtemps ont commencé à trinquer. A vrai dire,
ils n'ont même pas eu la présence d'esprit d'apprendre leurs leçons et de
suivre. Cela a été un jeu pour moi de leur infliger des zéros ! Ce qui vaut
ici, 3 heures de retenue pour le samedi. Et ce n'est que le début. Tu vas
peut-être me trouver dur mais il n'y a absolument rien à redire ! Bien au
contraire car nous sommes au troisième trimestre et dans deux mois, ils
planchent alors, au travail ! ...
Pauline, le beau temps des vacances n'a pas
complètement disparu, il en subsiste quelques restes.
Il est vrai que maintenant nous sommes au
printemps. Les tilleuls ont leurs vraies feuilles et le soleil perce malgré les
nuages. Mais je viens de m'apercevoir que je vais être sanctionné de 100 sous
pour avoir parlé à la fin du dernier paragraphe du seul sujet défendu. Oh mais
c'est que je ne veux pas être
"casse-pied ". Pauline, sans doute vas-tu aller à la gare pour
t'informer de ce qu'il en est exactement pour cette carte à demi-tarif. As-tu
parlé avec madame Hannion pour l'emploi des 5000 francs de mon oncle Albert ?
Il ne faut pas attendre trop la hausse Pinay !
Pauline, je t'aime. Pauline, ma femme, ma femme
à moi et pour tout le monde maintenant !
Jacques.
Règnes
Je suis né à Vouziers département des Ardennes le 8
décembre 1954 - c’est ma date de naissance - de Jacques et Pauline. Jacques,
mon père, trouva brutalement la mort
sans l’avoir vue venir en plein jour d’une voiture par l’arrière quelques
années plus tard. C’était à Rambouillet, Seine-et-Oise à l’époque, Yvelines
désormais, le 11 novembre 1958. Nous sommes aujourd’hui le dimanche 25
septembre 2011 et depuis avant-hier, par conséquent depuis vendredi, j’ai vécu
un nouveau changement brutal.
Une fois ces dates posées, je peux dire, sans aucune
exagération, que ma vie est partagée en trois parties qu’on peut dater comme on
le ferait pour les années de règne de trois rois successifs à savoir, je note
consciencieusement, 8 décembre 1954 -11 novembre 1958, je vais dire François 1er
bien sûr, 11 novembre 1958 -23 septembre 2011, François II maintenant en
appliquant la coutume royale qui consiste à reprendre le nom du roi précédent
comme ce fut le cas aux XVIIème
et XVIIIème siècles avec la succession des
Louis et 23 septembre 2011 - 25 septembre 2011, François III donc. La dernière
période devrait logiquement s’étoffer
avec le temps qui court. Mais c’est parce que je ne suis pas sûr qu’elle se
prolonge, bien que je le souhaite au-delà de toutes les limites envisageables,
que j’écris. Si tel malheureusement ne devait pas être le cas, ces lignes
seront les traces d’un règne fugace que je pourrai relire plus tard, je
l’espère, sans éprouver de honte ou sans ressentir un triste amusement
vis-à-vis de moi-même. Comme un testament en suspens en quelque sorte.
L’état de grâce est parti, il n‘aura duré que deux
jours et trois nuits et la douleur est
revenue. Où s’en est-il allé ? Où s’était-elle cachée ?
J’observe, à la lecture des lignes de dimanche, que j’ai vécu ces quelques
jours de manière naïve et passive en sachant que tout pouvait disparaître et en
ne tirant aucune conclusion sur une quelconque action à entreprendre. Mais
était-ce possible et comment le savoir ? Je voudrais tant que mon père
soit présent, mort ou vivant. Mort tel un gardien de phare de haute mer
invisible dont on sait de la terre la présence dans la nuit par la lumière que le miroir renvoie ou
vivant lors de la relève attendue et qu’à terre devant moi, il s’étonne, points
d’exclamation, ou bien qu’il s’interroge, points d’interrogation. Qu’avec
fierté, il cite ouvrez les guillemets Aragon. Ou Stendhal. Et tous les autres
sentiments aussi avec leurs virgules, leurs points-virgules au maniement
délicat, leurs tirets et leurs parenthèses, leurs points de suspension, et
aussi leurs accents, les aigus, les graves et les circonflexes et les règles de
grammaire du participe passé des verbes pronominaux parce que sont les plus dures et que je ne les maîtrise
pas complètement. Il a été vivant je le sais. Ce que je connais de lui se
condense en une image. Ce n’est pas
l’image ordinaire d’une photographie qui aurait été fixée sur le papier.
Non. Elle est, sans ambages* dans mon cœur, celle d’un paradis où l’univers est
clos et si je n’ai pas su l’entretenir pendant ces heures récentes d’un pauvre règne éphémère, l’idée
me vient en écrivant, c’est que le temps y coule sans effraction comme l’eau
d’un ruisseau de printemps.
* expression datée mais c’est comme ça.
CARNET D'ADRESSES DE L'AUTEUR
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A PAULINE
Boutigny ce vendredi 18 janvier (1952) matin à la
lueur d'une bougie.
Pauline,
mon amour
La
désintégration nucléaire* n'ayant pas encore été utilisée en France pour la
production de l'électricité ... oh !!! Tout mon effet est coupé, tout mon effet
oratoire ! L'électricité vient de se rallumer d'un seul coup. Ça alors ! Je
venais à peine d'écrire cette phrase tout en éteignant ma bougie que plof
repane ! Renoir ! Mon effet est coupé et la situation redevient la même. Je
t'écris près d'un chandelier, mais oui. Dis-moi, je commençais une belle entrée
matière, n'est-ce-pas ? Fi, est-ce là une lettre d'amour ? Peut-être, sait-on
jamais. Pauline, la lumière est très douce, c'est la lumière d'une bougie.
Quand je verrai belle-maman, je lui chanterai les louanges de l'éclairage aux
bougies. Dame, à Vrizy, au lieu d'avoir l'électricité dans la pièce de devant
et la lampe à pétrole dans les autres (ce qui est très compliqué), il serait si
simple de n'utiliser que les bougies. Un simple chandelier suffirait. Rien de tel
pour ne pas heurter les yeux d'un trop vif éclat. Cela ne donne qu'un peu de
lumière au milieu d'une grande partie d'obscurité. C'est poétique et cela
permet aux amoureux de s'embrasser en paix. L'électricité vient de revenir
après être partie encore une fois. Je me méfie et laisse un peu ma bougie. J'ai
envie de l'éteindre, l'électricité pas ma bougie. Oui, pour ne pas user mes
pauvres yeux ! Oh, je me suis trompé et voilà ma bougie morte. Cela sent bon et
me plaît : une petite colonne montait dans l'air il y a trois secondes. C'est
un parfum que maman n'aime pas. Mais maman est couchée, c'est qu'il est très
tôt exactement 7h51.
J'espère
que tu es bien rentrée hier et surtout sans avoir trop froid car il a dû geler
cette nuit. Tu dois encore dormir pour réparer les forces usées à se promener
sagement dans les rues de Paris sous le soleil et sous la grêle, sous la pluie
et dans le vent. Tu sais, si je suis ton calorifère, comme tu me le dis, je
n'arrive pas à réchauffer à 200
km de distance. Le soleil est plus fort que moi et
pourtant je ne l'ai pas choisi comme emblème bien que je descende de Louis XV
!!
Sans
doute vas-tu parler de Roudoudou à tes gosses ce matin ou demain. Cela me fait
penser que papa y a abonné sa classe voilà au moins 15 jours et qu'il n'a
toujours absolument rien reçu. Cela fait tout de suite très, très sérieux.
L'électricité dure vraiment cette fois. J'ai dit à mes parents que mes futurs
beaux-parents viendraient fin janvier ce à quoi maman m'a répondu : "
quand ? Car c'est bientôt fin janvier, c'est la semaine prochaine." Je
livre cette réflexion à ma chérie. Il va falloir ce matin que j'enfile mon
passe-montagne et ainsi je pédalerai en ta compagnie. C'est toi qui vas me
tenir chaud, c'est toi qui seras mon petit calorifère. C'est juste,
n'est-ce-pas ? Chacun son tour. J'ai trouvé, en rentrant hier, des gravures
envoyées par la Hongrie
nouvelle. Il y a sur une brochure un kazakh qui a un beau passe-montagne qui
ressemble au mien et qui embrasse un petit hongrois. Pauline, comme cette lettre
est excellente : style, écriture, orthographe, tout est irréprochable. C'est
merveilleux, ne trouves-tu pas ?
Pauline,
Pauline, je t'aime comme un fou. Ton Jacques.
*Le
premier réacteur nucléaire français de production industrielle d’électricité date
de 1956.
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Un roi éclairé
Un roi éclairé
C’est
toutes des filles de garces. Pardonnez monseigneur. Une sacrée maladie garce
qui se transmet bien au chaud de femelles de garces-mères en femelles de garces-filles.
On pourrait bien les plaindre, des siècles d’oppression, d’éducation forcée
avec le bel avenir, mère, fille des rues, bonne-sœur, alors trouve-toi un homme
et vite ma fille, oui maman, c’est quand même mieux qu’un mac ou que le petit
Jésus. Fais-lui faire deux, trois mômes, il n’osera plus bouger. Ah, la belle
prise d’otages, sournoise, bénie par le curé ou par la république, au nom du
père, du fils ou au nom de la patrie,
voire au nom de l’amour, ah chéri que je t’aime. La douce rigolade. Et même si
c’est vrai, l’amour et balivernes quand les yeux de la femelle rencontrent ceux
du promis, ça ne peut pas bien durer, vous avez bien raison, vous connaissez les hommes. On se croirait en 14 et
la tranchée d’en face. Est-ce une révolte ? Non, Sire, c’est la
Révolution. Ah, les belles tricoteuses.
C’est toutes des filles de garces, croyez-moi monseigneur. Le terrain est miné,
les sirènes et Circé Calypso, fuyez, fuyez carrosse, passez par la Lorraine, rendez-vous
à Coblence ou à Sigmaringen. Nous autres les manants attendrons au château la
pandémie des garces. Mais dîtes-moi, mon bon, qu’en sera la médecine ? Ah Sire, je ne sais pas, de nos pauvres
faiblesses nous risquons de périr. La maladie des garces est une triste
chandelle qui compte sa lumière pour des papillons grêles en quête d’une
caresse ou d’un sourire absent comme les nourrissons dont les lèvres avides
cherchent le lait manquant au sein de mères exsangues. Ah Sire, le lait, le
sang. De ce breuvage sacré, cet
écoulement vital, voyez comme les garces-mères, voyez comme les garces-filles
sont les grandes demoiselles. A genoux, chapeau bas, fiers banquiers de
Londres, Amsterdam ou Florence, vous avez vos maîtresses ! De tous vos
coffres forts, aucun n’est plus fermé que celui de leurs cœurs, à l’intérêt
trompeur, à l’usure étudiée, c’est qu’il faut nous défendre, nous sommes si
malheureuses, verset un, verset deux, de leur Bible juponnière, ah la belle
affaire, je vous passe les cajoleries et leurs enluminures. Langue de garce
voilà tout. Gardez-vous monseigneur
de croiser le chemin d’une reine assoupie sous la liqueur filiale, oh le doux
miel. Gardez-vous monseigneur. Sous la saveur sucrée de la ruche frémissante,
vous n’auriez que l’amertume du fiel et votre cri de surprise, mais tu es une
garce, pardonnez monseigneur, serait vite étouffé sous leurs dards silencieux. Car
voyez-vous, doux Sire, les dards des femelles sont beaucoup plus puissants que
tous les anneaux des rois. Leurs cours sont innombrables, leurs armées
solidaires et pour les maintenir en ordre de bataille, point besoin de ducats,
de louis ou d’assignats, la solde est inconnue au bataillon des garces, elles
se paient sur la bête, gare aux bombes, elles se ruent à la guerre au nom de la
liberté et de l’égalité et de leur beau miroir. Enviez, enviez, Seigneur, nos
cousins de l’espèce animale, les lions et les taureaux qui tiennent leurs
femelles sous le croc et la corne. Mais dans notre lignée, ces attributs royaux
sont devenus risibles, le croc s’est réduit en canine pauvre dent enfantine, et
la corne, oh Seigneur ! Voyez la perfidie ! Mais dîtes-moi mon bon,
d’où vient tout ce malheur ? Sire, tant de reines-mères me viennent à l’esprit
que celui-ci s’égare, ne sait laquelle choisir, celle-ci, celle-là. Dans nos
passés de roture, le silence est la loi de ces garces de femelles orgueilleuses
et honteuses. Une reine-mère atroce aurait-elle vécu aux temps immémoriaux que
toute sa descendance couvrirait ses forfaits tandis que vous Seigneur, sous vos
nobles coutumes et vos mâles traditions, votre cœur est couvert. D’Aliénor l’intrépide, traîtresse à votre
trône ou de l’atroce Catherine, vous ne balancerez pas et d’un geste royal écarterez leurs méfaits. Ainsi, mon
beau doux Sire, vous pouvez préserver le message de douceur du Seigneur Eternel,
oh la mâle douceur auguste et apaisante. Mais dîtes-moi mon bon, sont-elles si
impies ? Hélas oui, doux Sire, leur douceur est factice, leur regard le
plus tendre un amer trompe l’œil. Tout chez elles est tactique. Tel l’aimant
qui attend l’aiguille métallique qui dépassera d’un pouce la zone interdite
pour la rendre captive, elles ne pensent qu’au futur, leurs rêves les plus
secrets sont notre cauchemar. Comment vais-je faire maman, dit la fille à sa
mère ? Et celle-ci d’expliquer, boutiques, arrières boutiques et celle-là
d’enregistrer, pensez donc monseigneur, c’est maman qui l’a dit. Ce n’est pas la voix du Ciel, c’est la voix
des femelles. Mais dîtes-moi mon bon, que se disent-elles entre elles ?
Hélas, mon bon doux Sire, il faudrait
être femelle pour savoir leurs secrets. Langue de garce, âme de garce, cœur de
garce. Ce n’est pas de la compassion qu’il faudrait pour pouvoir les
comprendre, c’est de l’anéantissement, de la pulvérisation, polichinelle,
pantin. La langue de la femelle est celle de la rumeur à l’œil accusateur et
qui tisse une toile aux fils en désordre absolu. N’essayez pas, doux Sire, d’en
démêler l’écheveau. Il vous faut d’Alexandre suivre le sage exemple qui trancha
le nœud gordien. Hachez, hachez monseigneur les cordes des femelles et ne
faiblissez pas, réduisez en morceaux, en tas, en cellules, en atomes et
méfiez-vous toujours, les têtes des vipères bougent encore éloignées de leurs
queues. Mais dîtes-moi mon bon, d’où vient leur méchanceté ? Sire, elle
vient de leur ignorance et elles pensent. Elles pensent, résolues, audacieuses,
effrontées. Elles pensent être l’origine
du monde, elles pensent être l’origine de la vie alors qu’elles en sont les vestales mais elles
sont si stupides, elles pensent être le mystère. Mais doux Sire entendez, c’est
la vie qui est le grand mystère pas ces tristes femelles ! Mais dîtes-moi
mon bon, c’est de la barbarie. Tout à fait, monseigneur. Il n’y a pas une loi humaine
ou bien divine qui ne puisse les stopper.
Tout leur appartient et l’ombre et le rayon et les quatre saisons, elles
s’unissent à l’été, elles s’unissent à l’hiver. Les dés sont tout pipés, désir,
désir, désir, tel est leur étendard, leur credo, leur Veni Creator. Ça joue à
la poupée dès que c’est tout petit, en veux-tu, en voilà, ça lance ses premiers
mots, mange ta soupe, sois gentil, dis bonjour à maman, au baigneur impotent.
Et le tour est joué sous l’œil bienveillant des femelles vieillissantes. Monseigneur
c’est la honte. Je sais une femelle. Elle avait interdit à l’ensemble de ses
filles tous les jeux de poupées. Le remords l’avait prise ? Hélas, non,
doux Sire. Elle ne supportait pas l’écho de cette audience. Ce tribunal
charmant résonnait de ses fautes. Car voyez-vous seigneur, tandis que la plupart
de ces femelles bavardes est sans conteste sotte, une faible fraction est
consciente et honteuse. Et muette. Oh comme elles se complètent ! De
Charybde en Scylla ! Les garces ! Et c’est à l’unisson qu’en un accord
parfait ou un accord tacite, celle-ci guidant celle-là, sous les ordres du cerveau
ou de quelque fonction, on continue sa sape, on poursuit sa bataille, on se reproduit
encore. Ecoutez la musique, on aime tant se reproduire. Mais dîtes-moi
mon bon, c’est une triste chanson. Oh oui, mon doux seigneur, c’est la chanson des femmes,
une chanson sans couplet, c’est la chanson truquée engloutie dans le refrain,
se reproduire. Elles diront ces femelles, c’est la loi de la nature. La nature !
Enlevez tous les portraits, aquarelles, huiles, crayon, croyez-moi mon doux
Sire, de vos habiles artistes, enlevez tous les tableaux de toutes ces femelles, pour ne garder que ceux de l’ensemble
de vos pères, de votre illustre gloire, et vous verrez doux Sire, elles seront toute
affolées. Ça s’effondre sans images, savez-vous. Les lionnes vont au lac pour
se désaltérer, la femelle archaïque s’y rend pour s’admirer. La nature ! Mais
dites-moi mon bon ont-elles tant d’artifices ? Hélas oui, doux Seigneur, filles,
mères, sœurs ou maîtresses, jalouses ou bien cruelles, elles agacent frères,
époux, enfants et se livrent à l’ivresse de leur propre puissance. Elles s’aiment,
elles s’aiment, tant, à en haïr le
monde. Toute la vie, elles exercent leur pouvoir avec la présomption de leur
belle jeunesse à qui la discipline a complètement manqué et comme un fruit
caché qui serait parvenu à la
maturité sans qu’on s’en aperçut et se détacherait soudainement de l’arbre, il
est toujours un temps où même la plus sage se révèle enfin. Ne croyez pas doux
Sire, la femelle égoïste, non, on pourrait l’amender. Sa nature est tout autre et
c’est l’égocentrisme. Ainsi elle perturbe l’univers, puissamment, inexorablement,
dans l’ombre ou la lumière. Quel que soit son reflet, la Lune tient la mer. Mais
dites-moi mon bon, s’il m’arrivait un jour, la reine, mes favorites,
d’entretenir quelques doutes. Oh Sire, je vous disais tantôt la langue des
femelles. C’est la langue indiscrète. Aussi ne laissent-elles échapper le secret
de leur commerce. Eclairez moi mon bon. D’abord mon bon doux Sire, il vous
faut la prudence, pour éviter leurs larmes, les femelles croient qu’elles les
dédommagent, pour éviter leur rage, la fureur du loup pris lui fait autant de
mal que la mâchoire du piège. Continuez mon bon. Et bien mon doux Seigneur,
puisque vous êtes le roi, comptez sur vos valets et sur vos domestiques. C’est
par eux que sont conduites les intrigues de ces femmes au château et jamais l’une
d’elles ne s’embarquera en affaire lorsqu’elle aura sujet de s’en défier. Si la
conduite de la reine, pardonnez monseigneur, ou d’une de vos favorites vous
devient suspecte, appelez dans votre chambre, après le retour de la ville ou le
retour de madame, un de ceux qui seront restés au logis pendant votre absence ou
qui l’auront suivie lors de ses visites. Laissez le attendre un moment et
renvoyez le sans lui avoir rien demandé ni donné aucun ordre. La dame, curieuse
et craintive, voudra savoir d’abord pourquoi il aura été mandé, et ne croyant pas
ce qu’il lui répondra, c’est-à-dire qu’il a été mandé pour rien, elle ne
doutera pas qu’il ne la trahisse et le prenant pour un fidèle espion de ses
actions, elle s’abstiendra de tout ce qui pourrait en déshonorer le rapport. Quelle
habileté, je vous remercie mon bon. A vos ordres monseigneur. Mais vous savez
doux Sire, c’est parce que les hommes ne sont pas hommes qu’ils perdent leur temps à parler des
femmes ainsi.
JIMMY
(reprise du texte en alexandrins)
Un roi
éclairé
C'est une
maladie, c'est une sombre farce,
Sire, elles sont toutes de la race des garces,
C'est un gène transmis par chaque garce-mère
A sa garce de fille: un héritage amer.
Sire, elles sont toutes de la race des garces,
C'est un gène transmis par chaque garce-mère
A sa garce de fille: un héritage amer.
Des siècles
d’oppression, on pourrait les en plaindre,
Education
forcée pour quel but à atteindre ?
Mère ou
femme des rues, ou bonne-sœur aigrie,
Trouve-toi
donc un homme au plus tôt ma chérie,
Ce sera
mieux qu’un mac ou que l’enfant Jésus,
« Oui
maman » et la lèvre un peu moins décousue.
Fais-lui
faire aussitôt deux enfants, sabotage :
Il
n’osera bouger, oh la prise d’otages
Bénie par le
curé ou par la République,
Au nom du
très saint père ou l’intérêt public,
Voire au nom
de l’amour, ah chéri que je t’aime.
La douce
rigolade, et franche quand bien même :
C’est vite
baliverne et dure la saison.
-Vous
connaissez bien l’homme et vous avez raison.
On se croit
en quatorze et la tranchée adverse,
S’agit-il de
révolte aux manœuvres perverses ?
Éclairez-moi
mon bon.
-Hélas non,
mon doux Sire
Le mal est
plus odieux, écoutez fort cette ire,
C’est la
Révolution, vile et déterminée.
Croyez-moi
Monseigneur, le terrain est miné,
Calypso et
Circé, prenez garde aux sirènes,
Sauvez-vous
Majesté, passez par la Lorraine,
Fuyez, fuyez
carrosse ou fuyez Volkswagen,
Rendez-vous
à Coblence ou à Sigmaringen.
Nous autres
les manants et modestes comparses
Attendrons
au château la pandémie des garces.
-Mais
dites-moi mon bon, qu’en sera le remède ?
-Ah Sire je
l’ignore, et Dieu nous vienne en aide,
Nous
risquons de périr de nos pauvres faiblesses,
Car cette
maladie que portent les diablesses
Est bien
triste bougie, est bien pingre chandelle,
Qui compte
son éclat pour des papillons grêles
En quête de
caresse ou d’un sourire absent,
Comme les
nourrissons cherchent en gémissant
Le lait
manquant au sein de leurs mères exsangues ;
Ah le lait,
ah le sang, juste dessous la langue !
Et par ce
fluide saint au sein de la famille,
Voyez la
garce mère et sa garce de fille
Se changer
malgré nous en d’importantes dames.
A genoux, chapeau
bas, fiers banquiers d’Amsterdam
De Florence
ou Paris, vous avez vos maîtresses !
De
tous les coffres forts, c’est leur cœur de traîtresse
Qui est le
plus fermé, qui est le plus trompeur,
Son usure
étudiée est piège de trappeur.
« C’est
qu’il faut nous défendre et nous protéger d’eux,
Si grands
sont nos malheurs » ; verset un, verset deux,
Leur Bible
juponnière et sa belle reliure,
De leurs
cajoleries à leurs enluminures,
Tissu de
fourberies sur du beau parchemin.
Gardez-vous
Monseigneur de croiser le chemin
D’une reine
assoupie sous la liqueur filiale,
Oh le doux
miel, danger, le goût en est fatal ;
Sous la
saveur sucrée de la ruche entreprise
Vous
n’auriez que le cri amer de la surprise :
« Mais
tu es une garce ! », et puisque judicieux,
Serait vite
étouffé sous leurs dards silencieux.
Car voyez
Majesté, leur aiguillon adroit
Est beaucoup
plus puissant que tous les sceaux des rois.
Leurs Cours
sont infinies, leurs armées sont de taille,
Et pour les
maintenir en ordre de bataille
Les simples
citoyens, les bandits, les magnats,
Point besoin
de ducats, de louis ou d’assignats,
La solde est
inconnue dans l’avant-garce : niet,
Elles ont
toujours su se payer sur la bête
Et courent
au combat les lèvres écartées
Au nom de la
justice et de la liberté
De la
fraternité et de leur beau miroir.
Enviez,
enviez, Seigneur, nos cousins du terroir,
Les taureaux
et les lions qui tiennent leurs femelles
Sous la
corne et le croc, tout doux porte-mamelles.
Mais dans
notre lignée, ces armes invincibles,
Ces attributs
royaux, sont devenus risibles :
Le croc
s’est vu réduit en modeste canine,
Petit
morceau d’émail, pauvre dent enfantine,
Et la corne,
oh Seigneur ! Voyez la perfidie !
- Mais
dites-moi mon bon, d’où vient la tragédie ?
- Ah c’est
que, noble roi, la liste est peu sommaire,
Me viennent
à l’esprit tant de ces reines-mères
Que mon
esprit s’égare et devient incapable
De désigner
laquelle en fut la plus coupable.
Le silence
étant loi parmi les tricoteuses,
L’orgueil
ayant scellé leur vieille secte honteuse,
Je ne
saurais répondre à votre Majesté.
Quelque
matrice atroce aurait-elle existé
En des temps
reculés, que toute son engeance
Couvrirait
ses forfaits avec intelligence,
Tandis que
vous Seigneur, sous vos us souverains,
Vos mâles
traditions, votre cœur est serein.
Catherine,
Aliénor, infâme ou déloyale,
Point ne
balancerez, et d’un geste royal
Chasserez
leurs méfaits ; ainsi monarque sage,
Vous pouvez
préserver le bienveillant message
Du Seigneur Éternel : douceur, philanthropie.
- Mais
dîtes-moi mon bon, sont-elles si impies ?
- Hélas oui,
Majesté, leur douceur est factice
Leur regard
le plus tendre un profond précipice,
Un amer
trompe-l’œil, et dessous la coquille
Elles sont
des aimants attendant que l’aiguille
Restée trop
près du seuil vienne à le dépasser
Pour la
rendre captive ; et ces gallinacées
Ne pensent
qu’au futur ! Leurs rêves et mystères
Sont notre
cauchemar. « Maman que vais-je faire ? »
Dit la fille
à sa mère, en candide jeunotte,
Et celle-ci
explique, et celle-là prend note,
Pensez donc
Monseigneur, c’est maman qui l’a dit,
S’y plier
garantit l’entrée au paradis ;
Et point de
voix du Ciel, c’est la voix des femelles.
-Mais
dites-moi mon bon, que se racontent-elles?
-Hélas, mon
doux Seigneur, leur silence est vainqueur,
Garce de
langue et d’âme, et garce dans le cœur ;
Là où la
compassion échoue à les comprendre,
L’anéantissement,
la réduction en cendres,
Pantin,
Polichinelle, ont de meilleurs succès :
Il faut être
des leurs pour y avoir accès.
Car la
langue femelle est celle des rumeurs
A l’œil
accusateur, à la sinistre humeur,
Et qui tisse
une toile où l’ensemble des fils
Est en
parfait désordre, où il est inutile
De dénouer
l’écheveau le défi entreprendre.
Il faut
suivre l’exemple du sage Alexandre
Qui d’un
coup assuré trancha le nœud gordien,
Hachez,
hachez Seigneur ces quelques maudits liens
Entre mâle
et femelle, et ne faiblissez guère,
Réduisez en
morceaux, en poudre, en tas vulgaire,
Et
méfiez-vous toujours, car vipères de corps,
Eloignée de
la queue leur tête bouge encore !
- Mais
dites-moi mon bon, d’où vient leur malfaisance ?
- Elle vient
Monseigneur de leur grande ignorance :
Elles croient,
résolues, être sous leur hymen,
L’origine du
monde, de la vie humaine,
Elles en
sont pourtant les honorées vestales,
Mais montent
en courant sur le haut piédestal
Réservé au
mystère ; elles sont si stupides.
Parmi tous
les secrets, quel est le moins limpide ?
C’est bien
sûr Majesté celui de la vie même !
Le mystère
femelle est une blague extrême.
- Mais
dites-moi mon bon, c’est de la barbarie !
- Tout à
fait, Monseigneur. Et point de plaidoirie.
Aucune loi
de l’homme, aucun dogme chrétien
Qui puisse
les stopper ; car tout leur appartient :
Et l’ombre
et le rayon, et les quatre saisons,
Ensemble
dans l’hiver comme à la floraison.
Les dés sont
tous pipés, désir, désir, désir,
Tel est leur
étendard exhibé à loisir,
Leur credo
éternel, leur Veni Creator,
Auquel les
nouveau-nées sont initiées à tort.
Ça joue à la
poupée dès que c’est tout marmot,
En veux-tu,
en voilà, lance ses premiers mots,
« Sois
gentil, fais tes nuits, finis ta soupe, attends,
Dis bonjour
à maman » ; oh baigneur impotent !
Ainsi le
tour est joué, toujours obéissantes
Au regard
bienveillant de garces vieillissantes.
C’est
honteux Monseigneur. Je sais une femelle
Qui avait
interdit de manière formelle
Tous les
jeux de poupées à sa progéniture.
-Etait-ce le
remord qui dictait sa droiture?
-Hélas non,
Majesté ; ses bribes de conscience
Ne pouvaient
supporter l’écho de cette audience,
Ce tribunal
charmant résonnait de ses fautes.
Parfois la
lumière entre et le bon sens tressaute,
J’entends
par là Seigneur, si la plupart d’entre elles
Sont
l’archétype idiot de bavardes femelles
Une faible
fraction est consciente et honteuse
Et muette il
va de soi ; silence de fauteuse.
Voyez donc
Majesté comme elles se complètent !
L’accord en
est tacite et l’entente parfaite :
Disons que
celle-ci guidera celle-là,
Voyez
comment Seigneur, de Charybde en Scylla,
Sous l’ordre
du cerveau ou de quelque fonction,
Ça continue
sa sape et sa révolution,
Se reproduit
encore, oh que l’on aime tant,
Se
reproduire, en chœur, c’est un air entêtant.
-Mais
dites-moi mon bon, quelle musique infâme!
- Oh oui,
mon doux seigneur, c’est la chanson des femmes,
C’est un
chant sans couplet, c’est un chant utérin,
Ou l’air
« se reproduire » en guise de refrain
Engloutit la
chanson, en truque l’écriture ;
Elles diront
ces garces, c’est la loi, la nature.
La
nature ! Enlevez de ces tristes femelles
Tous les
portraits, crayons, huiles et aquarelles,
De vos
peintres adroits et vos graveurs hors-pair,
Pour ne
garder que ceux de vos illustres pères,
De votre
auguste gloire, et, Sire auréolé,
Vous les
verrez sitôt grandement affolées,
Leur être,
sans reflet, s’effondre et se fracture,
Et qui ose
invoquer la loi de la nature ?
Quand la
lionne est au lac pour se désaltérer,
La femelle
s’y rend afin de s’admirer !
- Mais
dites-moi mon bon, ont-elles tant de vices ?
- Hélas oui,
doux Seigneur, grands sont leurs artifices,
De mère en
fille, en sœur, en maîtresse, trop fières
Leur cruauté
jalouse agace tous, les frères
Les époux,
les enfants, et se livre en ce sens
A l’ivresse
impunie de leur propre puissance.
Elles
s’aiment si fort, à en haïr le monde,
Exerçant
chaque jour leur liberté féconde
Avec la
présomption de leur belle jeunesse,
Qui de la
discipline a manqué la finesse,
Et comme un
fruit caché qui serait parvenu
A la
maturité sans qu’on s’en aperçut
Et se
détacherait brusquement du branchage,
Il est
toujours un temps ou même la plus sage
Se révèle à
nos yeux. Mais point ne prétendez
La femelle
égoïste, on pourrait l’amender.
Sa nature
est toute autre ; un grand égocentrisme
La fait tout
entreprendre à travers son seul prisme.
Et c’est
ainsi, Seigneur, sans la moindre pitié,
Que perturbe
la vie et l’univers entier,
Inexorablement,
dans l’ombre et la lumière :
Quel que
soit son reflet, la Lune tient la mer.
- Mais
dites-moi mon bon, s’il m’arrivait ensuite
De douter de
la reine ou de mes favorites ?
- Je vous
disais tantôt la langue des femelles.
C’est la
langue indiscrète, aussi ne laissent-elles
Echapper le
secret de leur sombre trafic.
-
Eclairez-moi mon bon.
-Oh oui, Roi magnifique.
Il faut être
prudent au milieu de l’orage
Pour éviter
leurs pleurs qui déguisent leur rage,
- Continuez
donc mon bon. Comment y réussir ?
- Et bien
mon doux Seigneur, voici mon noble Sire :
En tant que
souverain, du château dynastique
Comptez sur
les valets et sur les domestiques,
Car c’est
tout autour d’eux que naissent les intrigues
De quelque
châtelaine à l’affaire prodigue,
Que la garce
jamais n’osera planifier
Dès lors
qu’elle aura d’eux matière à se défier.
Si l’action
de la reine, excusez Majesté,
Ou quelque
favorite à l’honneur attesté
Vous devient
trop suspecte et semble enténébrée,
Appelez
simplement, seul dans votre chambrée,
Lors de
votre retour de la chasse ou la ville,
Ou celui de
madame, un des valets serviles
Restés entre
ces murs au long de votre absence
Ou l’un de
ses laquais qui suivait ses vacances.
Laissez-le
un moment et sans vous commander
Renvoyez-le
sans rien lui avoir demandé !
Point de
question, ni d’ordre, et vous verrez madame
Apeurée et
curieuse accourir au quidam
Pour
chercher la raison de tel conciliabule,
Et ne le
croyant pas -simple esprit de calcul-
Lorsqu’il
lui répondra qu’il fut mandé pour rien,
Prendra ses
mots pour ceux d’un traître et d’un vaurien
Espion de
ses actions, et s’abstiendra alors
De tout ce
qui pourrait en ternir le rapport.
- Quelle
astuce mon bon, je vous suis débiteur !
- Je suis,
sage Seigneur, votre humble serviteur.*
Cependant
Majesté, c’est féminin ramdam
Que perdre
ainsi son temps à parler de ces dames
Je vous
dirai demain semblable litanie
Au sujet
masculin de nos lâches manies.
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